Why You Can Rely on Raw Cheeses
November 30, 1998How to Keep the Value Added Down on the Farm…Where It Belongs
January 1, 2000Par Arthur Cunyngham and John Dennis
Traduit de l’Anglais par Maurice Legoy
English Original
Le numéro d’août 2001 de Dairy Industry News publie un article de Nicol et Robinson intitulé “le test du goût”. Ils y reconnaissent qu’un nombre croissant de consommateurs trouvent que les fromages fabriqués avec du lait cru ont plus de goût que ceux fabriqués avec du lait pasteurisé. Leurs auteurs y prétendaient que ces fromages-là sont dangereux et cherchaient à améliorer le goût des fromages au lait pasteurisé en ajoutant au lait, après pasteurisation, des cultures pures d’organismes microbiens non pathogènes, que l’on trouve généralement çà l’état naturel dans le lait cru.
Malheureusement pour eux, leur suggestion n’est pas du tout réaliste, parce que les fromages fabriqués au lait cru sont tout à fait sans danger, à condition bien entendu qu’ils soient élaborés selon les principes mis en oeuvre par les membres de la Specialist Cheesemakers’Association (SCA). Bien plus, l’affirmation selon laquelle le goût des fromages fabriqués avec du lait pasteurisé peut être amélioré par l’addition de cultures d’organismes non pathogènes présents dans le lait cru est ingénue.
Dans les lignes qui suivent, nous relatons comment les membres de la SCA réalisent la sécurité des fromage faits avec du lait non pasteurisé et donnent les raisons confirmées par la recherche et les pratiques courantes de fabrication qui font la supériorité de ces produits sur les fromages au lait pasteurisé sur le marché.
Sécurité sanitaire des f’romages au lait cru
Aucun système ne peut garantir l’élimination complète de tous les micro-organismes présents dans une denrée alimentaire donnée. C’est la raison pour laquelle ont été développées des procédures qui cherchent à minimiser le risque à un niveau acceptable. A titre d’exemple, une des procédures les plus strictes mise en oeuvre par l’industrie agro-alimentaire est celle qui concerne l’agent du botulisme, un traitement à 121° C pendant trois minutes qui est appliqué aux conserves en boites. Il reste que, même dans ces conditions, il reste une chance, très faible il est vrai (une sur 1012), que des spores revitalisables de Clostridium botilinum puissent survivre à ce traitement!
La pasteurisation n’est pas une panacée. Il est possible qu’une spore engendrant une bactérie comme le Bacillus cereus puisse survivre après pasteurisation et la contamination du lait pasteurisé peut se produire quand il y a un nombre excessif de bactéries thermorésistantes dans le lait à traiter (2). Plus grave peut-être, un nombre important d’intoxications alimentaires ont été attribuées à la consommation de lait pasteurisé, soit en raison de défauts techniques, soit en raison de la recontamination du lait après pasteurisation. Un des exemples les plus graves d’empoisonnements alimentaires mettant en cause des fromages suisses (celle due au vacherin suisse Mont d’Or ayant entraîné la mort de 34 personnes) a été clairement démontrée comme étant due à la présence de Listeria monocytogenes, non pas dans le lait avant pasteurisation, mais à cause de la présence de ce germe dans les ateliers de la laiterie et les caves d’affinage, où les fromages étaient stockés (3). Des exemples analogues ont été décrits d’intoxications alimentaires dus à des contaminations par Salmonella, Campylobacter, Listeria, Yersinia, Staphylococcus, Bacillus cereus et Escherichia coli (2).
Il a été amplement démontré que la contamination après fabrication peut plus vraisemblablement se produire avec un produit pasteurisé, en raison de la diminution de la flore compétitive, permettant ainsi aux bactéries pathogènes de se développer. On sait depuis longtemps que, dans les cultures de microbes en mélange de plusieurs espèces, les microbes Gram négatif entrent en compétition entre eux, certaines espèces se développant plus lentement que s’ils se trouvaient en culture pure. C’est “l’effet Jameson” et la difficulté qu’ont les microbiologistes d’isoler la dangereuse souche d’Escherichia coli 0157 dans les échantillons contenant des quantités importantes d’autre Eschrichia peut provenir de cet effet (4).
Il en résulte que la sécurité des fromages ne dépend pas seulement de la qualité microbiologique du lait à un point donné et à un moment du process de fabrication, mais dans une évaluation précise du procédé de fabrication pris dans son intégralité, en appliquant les principes HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point), pour obtenir un produit final qui puisse être consommé en confiance (et avec plaisir).
La nature même de l’opération de fabrication d’un fromage, dont l’objectif fondamental est de donner un concentré de lait qui se conserve pour être consommé à une date ultérieure, a des règles qui permettent d’obtenir la sécurité du produit fini final. En particulier l’acidification, le salage et le séchage, qui prennent place dans l’élaboration d’un fromage, ont pour résultat de prévenir la contamination par des bactéries potentiellement dangereuses. Pourtant, un enjeu important pour le fromager est d’obtenir le lait adéquat pour le type de fromage qu’il se propose de fabriquer. Certains membres du SCA ont choisi de pasteuriser leur lait, le plus souvent parce qu’ils sont incapables d’obtenir la qualité bactériologique nécessaire. C’est le plus souvent le cas pour des fromages fabriqués de façon industrielle, dont la pasteurisation du lait est indispensable si l’on veut obtenir une qualité bactériologique acceptable pour les grands volumes nécessaires.
Mais pour un fromager artisanal, fabriquant ses fromages selon la tradition, il est possible d’obtenir un lait de bonne qualité bactériologique sans avoir recours à la pasteurisation. Le plus souvent, il travaille avec le lait de son exploitation et le lait de ses voisins prêts à se mettre aux normes requises pour la fabrication de fromages au lait cru.
La Specialist Cheesemaker’s Association à diffusé à ses membres les informations indispensables à l’obtenntion d’un lait idoine nécessaire à la fabrication des fromages au lait cru; Comme les détails de ce qui est à réaliser sont trop nombreux pour figurer ici, bornons-nous à indiquer les domaines dans lesquels il est nécessaire d’être rigoureux : santé et bien-être des animaux, infections de la mamelle et des trayons, contrôle des mammites, environnement de la ferme, contrôle des équippements, procédures de nettoyage et de manipulation du lait. (5)
Qualité des fromages au lait cru
Avec la reconnaissance de ce que les fromages au lait cru présentent une supériorité de goût sur un produit fait avec du lait pasteurisé, une conclusion que nous endossons bien volontiers, Nicol et Robinson proposent de corriger cette déficience grâce à l’utilisation d’un “starter bactérien”, qui soit “en quantité suffisante pour avoir une influence”. Ils prétendent que si ces microbes saprophytes sont présents dans un lait en grand nombre, il y a une grande probabilité pour que des micobes pathgènes soient également présents. L’implication qui en résulte est que meilleure est la qualité gustative d’un fromage, plus douteuse est la sécurité qu’il apporte.
Une argumentation aussi tordue est sans valeur en raison de l’erreur commise au début de la démonstration. S’il était nécessaire d’avoir un grand nombre de bactéries au départ de la fabrication, pour obtenir un fromage au lait cru de qualité, sans addition d’une culture starter, les laits de grande qualité bactériologique pourraient provoquer des soucis au fabriquant des fromages. En fait, c’est le contraire qui est vrai. Les fromagers professionnels de la SCA ne signalent pas de problèmes quant à la saveur de leurs fromages lorsqu’ils mettent en oeuvre des laits peu riches en microbes. Cette constatation est vérifiée par les conclusions des essais réalisés, affirmant que “les bactéries présentes ont peu d’influence sur le développement normal de la saveur d’un cheddar” (6). En fait, des quantités trop importantes de bactéries ne sont pas désirables dans le lait destiné à la production de fromages, même si le lait doit être pasteurisé, du fait que les enzymes lipolytiques insensibles à la chaleur provenant de microbes psychrotrophes (qui se développent dans le lait refroidi) peuvent conduire à des saveurs indésirables. (7)
Nicol et Robinson aboutirent à la conclusion que leur panel de dégustateurs était incapable de faire la distinction dans la saveur des fromages fabriqués au lait cru par rapport à ceux fabriqués avec du lait pasteurisé. Comme cela est en contradiction à la fois avec les constatations des fabriquants de fromages et celles des consommateurs, il y a lieu de considérer qu’ils ont été induits en erreur par leur produit. L’observation qu’ils ont faite que la teneur en eau des fromages au lait pasteurisé était plus élevée que celle des fromages au lait cru est en accord avec les constatations des professionnels, qui trouvent nécessaire de modifier le process de fabrication quand on utilise du lait pasteurisé. La synérèse (vitesse d’égouttage du lactosérum) est sensible à la température de pasteurisation, une augmentation de cette température se traduisant par une augmentation de la synérèse. (8) En utilisant les mêmes procédés de fabrication pour des laits pasteurisés ou non, on aboutira à un produit plus riche en eau dans le produit pasteurisé. Il faut aussi noter que les laits présentant un niveau faible de bactéries ont tendance à produire un meilleur caillé que ceux des laits de ramassage, ce qui est une raison supplémentaire de la nécessité d’avoir un lait très propre pour la fabrication du fromage.
En termes de saveur du produit fini, Nicol et Robinson ont insisté sur l’apport des bactéries naturelles dans le profil de flaveurs des fromages au lait cru. Macedo et Al (9)ont fait une revue des données sur la fabrication des fromages Serra, élaborés au Portugal à partir du lait cru de brebis. Ce fromage semble avoir souffert, à l’époque où a été effectuée la revue, d’une contamination massive due à de mauvaises conditions sanitaires, ce qui s’est traduit par des altérations de la qualité. Par conséquent, un développement extensif non contrôlé de bactéries naturelles n’est pas favorable à la qualité élevée du fromage produit dans ces conditions.
Il est possible bien sûr qu’un petit nombre de micro-organismes non pathogènes puissent contribuer à la subtilité des arômes d’un fromage au lait cru. Il est aussi vraisemblable que les enzymes naturels présents dans dans le lait cru puissent contribuer au profil des saveurs d’un fromage (10). La pasteurisation détruit ces enzymes et ils ne jouent plus leur rôle dans le développement des saveurs du fromage fini.
Lors d’une Conférence Internationale des Microbiologistes qui s’est tenue en France en 1997 (11), les intervenants confirmèrent les uns après les autres leur croyance en la qualité supérieure des fromages au lait cru:
“La pasteurisation entraîne une réduction importante de la flaveur caractéristique du Bergkase. On peut en conclure par conséquent qu’il est indispensable d’utiliser du lait cru pour la production de ce fromage avec des résultats saisfaisants pour le produit fini” H. Ron, Université de Vienne, Autriche.
“L’analyse sensorielle a mis en lumière les grandes différences de saveur entre fromages au lait crû et fromages au lait pasteurisé”. E. Fernandez Garcia, INIA, Madrid, Espagne.
“Il y a un consensus général sur le fait que les fromages fabriqués au lait cru développent une saveur plus forte que les fromages fabriqués avec du lait pasteurisé”. Paul McSweeney, Department of Food Science and Technology, University College, Cork, Ireland.
Nombre de producteurs et de détaillants en fromages au lait pasteurisé aimeraient, sans doute aucun, reproduire la flaveur des fromages au lait cru dans leurs fromages. La SCA croit quant à elle que le consommateur aura plus de plaisir à consommer les fromages artisanaux au lait cru, qui donne une plus grande variété de fromages et procure un plus grand plaisir de leur consommation, ce lait cru qui permet de fabriquer des spécialités plus variées et de plus grande qualité, en utilisant les techniques traditionnelles plutôt que celles que l’on puisse espérer jamais obtenir par un procédé mécanique.
Les fromages de toutes sortes, y compris les fromages au lait pasteurisé, sont à l’origine de moins de 0,1% des intoxications alimentaires au Royaume-Uni. On peut donc dire que ceux qui choisissent le fromage font le choix d’un aliment délicieux, nutritif et extrêmement sain en comparaison avec d’autres denrées. En 1997, 10 des 18 lauréats des British Cheese Awards produisaient des fromages au lait cru. Ces standarts de qualité supérieure sont compatibles avec des garanties de sécurité que pourraient leur envier nombre d’autres denrées alimentaires
REFERENCES
- R. Early, Liquid Milk and Cream, 1-49 in The Technology of Dairy Products, Ed. R. Early, Blackie Academic and Professional, 1998.
- Fresh Milk and Milk Products, M1-M23 in LFRA, Microbiology Handbook, Leatherhead Food RA, Randalls Road Leatherhead, 1995.
- V. Wheelock, Raw Milk and Cheese Production. 1997, www.cheese.onyxnet.co.uk/SCA/
- T. Williams and P. Neaves, Managing the use of unpasteurised milk. International Food Safety News, 1999.
- The Specialist Cheesemakers Practice, The Specialist Cheesemakers’ Association 1997.
- R. C. Lawrence and J. Gilles, Cheddar Cheese and related dry-salted cheese varieties 10-44 in Cheese: chemistry, physics and microbiology, vol. 2, major cheese groups, Ed. P.F. Fox, Elsevier 1987.
- Dutch-type varieties 45-92 in Cheese: chemistry, physics and microbiology, vol. 2, major cheese groups, ed P.F. Fox, Elsevier 1987.
- M. L. Green and A. S. Grandison, Secondary (non-enzymatic) phase of rennet coagulation and post-coagulation phenomena, 97-134 in Cheese: chemistry, physics and microbiology, vol. 1, general aspects, Ed. P.F. Fox, Elsevier, 1987.
- A.C. Macedo, F.X. Malacata, J.C. Oliveira (1993), The technology, chemistry and microbiology of Serra cheese: a review. Journal of Dairy Science 76(6) 1725-1739.
- B.A. Law, Proteolysis in relation to normal and accelerated cheese ripening. 365-392 in Cheese: chemistry, physics and microbiology, vol. 1 general aspects, ed. P.F. Fox, Elsevier, 1987.
- COST action 95, Improvement of the quality of the production of raw milk cheeses, 30th Nov., 1998, Dijon, France, EUR 18960 EN.
Arthur Cunyngham is chairman and John Dennis is the scientific secretary of the Specialist Cheesemakers’ Association, P.O. Box 448, Newcastle-under-Lyme, Staffordshire, ST5 0BF.